Le CEHTA

Histoire et caractéristiques du Cehta

En 2006 le Centre d’Histoire et Théorie des Arts (CEHTA) de l’EHESS s’est associé au Centre de recherche sur les arts et le langage CRAL dans l’Unité mixte de recherche UMR 8566. L’histoire des intenses relations intellectuelles entre le CEHTA et le CRAL est déjà ancienne, il suffit de rappeler que Louis Marin, l’un des premiers membres du Cehta  a été directeur du CRAL et qu’une partie des membres de ce centre avait une double affiliation.

Fondé par Hubert Damisch en 1977, le Centre d’Histoire et Théorie des Arts de l’École des Hautes Études en Sciences sociales (CEHTA) est un lieu d’échanges féconds entre l’histoire de l’art et l’ensemble des sciences humaines. Son intitulé renvoie au propos de son fondateur selon lequel « on ne saurait faire de l’histoire qu’au prix de quelques théories, et de la théorie qu’au prix de beaucoup d’histoire ». Son rayonnement international repose sur la diffusion et sur les nombreuses traductions des ouvrages de ses membres, ainsique sur les liens avec des chercheurs étrangers régulièrement invités par le centre. Parmi ceux-ci, il convient de citer Michael Fried, Rosalind Krauss, Victor Stoichita et Hans Belting pour évoquer certains travaux proches de nos directions de recherche : les relations entre l’histoire de l’art, la psychanalyse et la théorie du langage ; l’épistémologie de l’histoire de l’art et l’histoire ; l’anthropologie et l’archéologie de la modernité.

Louis Marin et Jean-Claude Bonne ont été les premiers membres du centre. Georges Didi-Huberman, Daniel Arasse, François Lissarrague, Jacques Aumont, Éric Michaud, André Gunthert et Giovanni Careri les ont rejoints pendant les années 90. Le CEHTA se nourrit d’abord des relations avec son environnement immédiat composé par les autres centres de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales. Ses interlocuteurs naturels ont toujours été des historiens ouverts à d’autres disciplines, mais aussi des philosophes, des anthropologues et des sémioticiens. Ces connexions ont été très marquées au moment de la fondation du centre par les méthodologies structuralistes, notamment l’anthropologie structurale, la sémiotique, les théories du langage. À ces référents théoriques, il faut ajouter les approches analytiques freudiennes et lacaniennes, notamment l’élaboration psychanalytique de l’analyse du travail du rêve, mais aussi la symptomatologie de la culture et de l’art.

Le CEHTA se caractérise par une démarche qui, en croisant les disciplines, ne se limite pas aux questions classiques posées aux œuvres d’art par l’histoire de l’art traditionnelle. Cette démarche est à la fois critique et constructive, elle aboutit à la production « d’objets théoriques ». Parmi les premiers objets de réflexion à la fois historique etthéorique construits par Hubert Damisch, « le nuage » illustre bien cette notion. Dans le dispositif expérimental de la perspective mis au point par Brunelleschi, le nuage occupe une position marginale à partir de laquelle il devient possible de défaire l’apparente naturalité de la machinerie  de la perspective et des opérations qu’elle permet.

Grâce aux recrutements des années quatre-vingt dix, les travaux du CEHTA se sont diversifiés aussi bien sur le plan des objets que sur celui des méthodes. Hubert Damisch a consacré plusieurs ouvrages aux conceptions freudiennes de la beauté et de l’art, tout en étendant ses analyses à l’architecture et à la ville moderne. Georges Didi-Huberman a développé des travaux importants sur l’épistémologie de l’histoire de l’art en esquissant progressivement une nouvelle approche de « l’anthropologie du  visuel » à partir d’objets appartenant au Moyen Age et à la Renaissance, mais aussi à notre modernité la plus récente.  Daniel Arasse a proposé son « histoire rapprochée des œuvres » qui rejette les catégories généralisantes de l’histoire des styles et des démarches réductrices de l’iconologie pour se montrer attentive aux émergences des singularités que seul un regard nourri d’une culture historique rigoureuse peut saisir. Eric Michaud a étudié le rapport entre les images et les constructions idéologiques, notamment au dix-neuvième et au vingtième siècle. Il a mis en lumière les points de contact entre les théories biologiques de l’efficace des images et les théories artistiques à l’époque des avant-gardes et des totalitarismes. Jacques Aumont a poursuivi son travail sur l’esthétique de l’image mouvante dans deux directions principales, liées, la première, à l’idée warburgienne de migration (notamment entre peinture et cinéma), la seconde à la notion de « matière » de l’image, où il a cherché un renouvellement de la question du figural, posée (à propos d’images de peinture) dans les années 70. François Lissarrague, membre du Centre Louis Gernet, mais très actif au sein du CEHTA, a considérablement transformé l’interprétation archéologique traditionnelle des images de la Grèce ancienne en les situant au croisement entre croyances et pratiques à travers la mise en travail des séries iconographiques essentielles à la compréhension de certains aspects de la culture grecque, à propos desquels nous n’avons aucun texte. Giovanni Careri a développé un travail sur l’affectivité, dimension largement écartée par les approches iconographiques. Les formules gestuelles ritualisées de l’affect dans leurs expressions poétiques et  picturales  et dans toutes leurs dimensions religieuses et politiques à l’époque baroque ont été l’objet de ses recherches. André Gunthert a étudié les implications théoriques des dispositifs d’enregistrement de type photographique en le mettant au service d’une façon nouvelle d’écrire l’histoire de la photographie qui accorde une place déterminante aux pratiques et à l’histoire des techniques. Sylviane Agacinski a entrepris son histoire philosophique de la  différence des sexes et des imaginaires qui y sont impliqués.

Pendant les années d’association au CEHTA et avant d’être accueillis par d’autres centres de recherche de l’EHESS, Pierre Antoine Fabre a engagé ses travaux sur le statut de l’image dans les textes fondateurs de la Compagnie de Jésus ; Danièle Cohn a développé un important travail de redécouverte et de mise à jour de la tradition philosophique allemande alors que Patricia Falguière a poursuivi ses travaux sur l’exposition des objets naturels et artificiels à l’époque du maniérisme, en relation avec les catégories néo-aristotéliciennes.

Par certains aspects, cette deuxième phase des travaux du CEHTA témoigne d’une continuité avec la première, alors que le domaine des objets étudiés s’est considérablement élargi. Les membres du CEHTA ont participé, par les séminaires qu’ils organisent et par leurs publications, aux débats épistémologiques les plus actuels : la relation entre art et anthropologie, la question de la temporalité des images et de leur historicité, leur puissance figurale, leur portée politique, leur capacité de témoigner de l’histoire aux limites de la figurabilité, les relations entre ces enjeux majeurs et les expressions artistiques anciennes et contemporaines.

Activités depuis 2005

Depuis son installation au sein de l’Inha en 2002, le centre a connu un accroissement considérable de ses activités scientifiques. Le CEHTA y dispose de nouveaux locaux, notamment d’un espace commun équipé, utilisé pour les groupes de recherche, dédié aux étudiants et aux doctorants.

Les doctorants ont ainsi pu participer à la création de la première revue en ligne d’histoire et théorie des images, Images Re-vues, dont le Cehta accueille le comité de rédaction et les séminaires annexes. Quatre nouveaux groupes de recherches ont été organisé : le Laboratoire des objets théoriques, qui poursuit la tradition inaugurée par les travaux de Hubert Damisch et Louis Marin ; Acegami(Analyse Culturelle et Etudes de Genre / Art, Mythes et Images) coordonné par Anne Creissels et Giovanna Zapperi ; un groupe de recherche européen : Image, dévotion et exégèse visuelle à l’époque moderne, sous la responsabilité de Michel Weemans, associant le CEHTA aux Universités de Louvain, Leyden, Madrid et Séville.

Depuis 2004, « La construction du réel dans l’art contemporain » réunit une équipe de chercheurs et de doctorants du CEHTA avec des enseignants et étudiants de l’Ecole des Beaux Arts de Lyon, sous la direction de Giovanni Careri et Bernhard Rüdiger. Les actes de cette recherche conduite conjointement par l’ensemble des membres du CEHTA et de ses doctorants ainsi que par un groupe d’artistes et de chercheurs de premier plan (Mieke Bal, Luciano Fabro, Pietro Montani, Thomas Schütte, Allan Sekula, Ernst Van Alphen…) et des enseignants et étudiants de l’Ecole des Beaux Arts, ont été publiés en 2008 (Archibooks). Suite à cette première phase, la recherche autour de l’œuvre et du travail théorique de Luciano Fabro a également abouti en 2010 à une publication, Luciano Fabro : Habiter l’autonomie (Enba Lyon). Depuis 2009, ce groupe de recherche entre anciens étudiants, jeunes artistes de l’Enba Lyon et doctorants du CEHTA, travaille autour de la problématique « Art contemporain et temps de l’histoire » (ACTH).

Depuis 2005, le CEHTA accueille leLHIVIC,Laboratoire d’histoire visuelle contemporaine, dirigé par André Gunthert, un groupe de recherche consacré à l’étude des pratiques iconographiques de la période contemporaine, en particulier celles issues des technologies d’enregistrement (photographie, cinéma, vidéo…). Pilotée en grande partie par les membres du LHIVIC, la revue Études photographiques s’est imposée comme la référence majeure dans le domaine de la théorie et de l’histoire de la photographie en France, contribuant ainsi au rayonnement du CEHTA.

En 2007, Éric Michaud s’est associé au programme de recherche qu’Anne Lafont a engagé au sein de l’INHA sur l’histoire de l’art en France de 1900 à 1940, en collaboration avec Duke University et la Scuola normale superiore de Pise.

Suivant le principe fondamental propre à l’EHESS de l’initiation à la recherche par les voies de la recherche elle-même, les membres du centre et ceux qui y sont associés animent des séminaires centrés sur leurs travaux en cours destinés aux doctorants, mais ouverts aussi à de nombreux auditeurs libres. Le CEHTA participe par ailleurs au master Arts et langages (mention Théories et pratiques du langage et des arts) de l’EHESS, en collaboration  avec le CRAL (Centre de Recherche sur les Arts et le Langage).  Le CEHTA compte actuellement une trentaine de doctorants inscrits auxquels il faut ajouter une dizaine d’inscrits en master, les séminaires étant  fréquentés par une moyenne de 150 étudiants de l’EHESS et d’autres Universités avec un fort pourcentage d’étudiants en Erasmus et de doctorants en co-tutelle.

Dans un avenir proche, nous espérons intensifier le dialogue déjà bien établi avec les responsables scientifiques de l’INHA ainsi qu’avec les collègues dont les centres de recherche sont installés dans la galerie Colbert, notamment autour des enjeux épistémologiques transdisciplinaires que la communauté scientifique reconnaît désormais comme majeurs.

La contribution au Séminaire méthodologique commun au sein de l’INHA depuis sa fondation en 2006 est le signe d’un apport à l’épanouissement de cette nouvelle institution  avec laquelle nous avons aussi partagé les séminaires et conférences donnés par les collègues étrangers que nous avons invités : Raindert Falkenburg (Université de Leyden) Alexander Nagel (Université de Toronto), Johanne Lamoureux, (Université de Montréal), Paolo Fabbri (Université de Venise), Griselda Pollock (Université de Leads), Stephen Campbell (Université Johns Hopkins).

L’exposition Louis Marin le pouvoir dans ses représentationsorganisé par le CEHTA et l’INHA dans la galerie Colbert  du 29 mai au 26 juillet 2008, manifeste de façon exemplaire la présence active du centre et son originalité. Le catalogue, réalisé par Giovanni Careri et Xavier Vert (doctorant du CEHTA) comprend la publication de la bibliographie complète de l’œuvre de Marin ainsi qu’une bibliographie critique. Enfin, le site de l’association Louis Marin est en ligne depuis septembre 2010. Il comprend une bibliographie, les recensions critiques de ses ouvrages et d’articles consacrés à son œuvre.

Axes de recherches

Axes principaux des activités et  publications.

1. La construction figurale de l’histoire chrétienne étudiée dans son moment de crise (1510 /1560) à partir de la figuration du corps de l’Eglise et de ses marges, notamment la population juive dans le  cycle des Ancêtres du Christ dans la Chapelle Sixtine.

2. Les figures de l’Homme Nouveau dessinées conjointement, au 19e et au 20e siècles, par les artistes, les politiques et les idéologues ; archéologie de ces représentations. Historiographie de l’art : nationalisme et racisme en histoire de l’art.

3. Les rapports entre image et politique étudiés à travers une connaissance par les montagesfaisait office d’alternative au savoir historique standard, révélant dans sa composition un grand nombre de motifs inaperçus, de symptômes, de relations transversales aux événements.

4 L’histoire des usages de la photographie dans le cadre des médias populaires. Les  nouvelles formes de la  circulation des images contemporaines et leurs  effets de réel.

5. L’esthétique de l’image mouvante selon l’hypothèse warburgienne de la migration (notamment entre peinture et cinéma)  conçue dans son rapport à  la question du figural.

Nous nous sommes proposés de vérifier et d’approfondir les fondements communs de ces recherches lors d’un colloque intitulé « L’histoire de l’Art depuis Walter Benjamin »  qui s’est déroulé à l’INHA les 5 et 6 décembre 2008 et dont les actes sont publiés dans le hors-série n°2 de Images Re-vues. Les motivations à l’origine de cette initiative résument bien les orientations futures. C’est à partir des réflexions benjaminiennes que nous essayerons de cerner les questions nouvelles qui s’ouvrent à l’histoire de l’art : l’historicité anachronique des images, la question du montage et de l’image dialectique, la condition actuelle de la relation entre l’histoire de l’art, les images, l’éthique, l’esthétique et  la politique.

Giovanni Careri, directeur du CEHTA

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